Carlota Guerrero, Nude label |
Botticelli peut aller se rhabiller, Carlota Guerrero a enfin compris ce qu'était une "Vénus". La photographe espagnole, à l'esthétique poétique et percutante, s'est faite remarquée en 2016 en réalisant la cover de l'album de Solange "At Seat at the Table". J'ai alors découvert cet univers à la fois doux et mélancolique, ou le corps y est magnifié, voire divinisé.
Elle questionne et explore dans son travail les diverses représentations du corps dans l'art, de l'antiquité à l'art contemporain, en passant par la Renaissance. Dans ses photos, les corps sont alors semblables à des statues, prenant des poses théâtrales, semblant prêts à poser pour un tableau. La Vénus, l'Ephèbe, les couleurs douces, les drapés, l'épuré : tous les symboles classiques de l'esthétisme sont convoqués et revisités pour jouer malgré tout des scènes bien modernes.
Elle questionne et explore dans son travail les diverses représentations du corps dans l'art, de l'antiquité à l'art contemporain, en passant par la Renaissance. Dans ses photos, les corps sont alors semblables à des statues, prenant des poses théâtrales, semblant prêts à poser pour un tableau. La Vénus, l'Ephèbe, les couleurs douces, les drapés, l'épuré : tous les symboles classiques de l'esthétisme sont convoqués et revisités pour jouer malgré tout des scènes bien modernes.
Carlota Guerrero, Wald Berlin |
Lors de la prise de vue, les modèles sont acteurs, balayant d'un revers de main la passivité d'un corps, s'offrant lascivement à un objectif. Ils agissent, se meuvent, comme si ils effectuaient une performance artistique, pour ensuite être figés sur le vif par la photo, devenant ainsi un témoin. Dans ses séries "Projet A", "Maria Morgui" ou encore "Drained sun o sol drenado", les modèles se mettent en scène dans des chorégraphies expérimentales. Tout le talent de la photographe réside dans le fait que le simulacre devient norme, et inspire une spontanéité déconcertante. Magnifiant le corps de la femme sa beauté au naturel, Carlota Guerrero nous donne ainsi à voir des Vénus des temps modernes, lumineuses, aériennes et affranchies.
Carlota Guerrero, Outtakes, POP Magazine |
Ma série favorite est sans conteste "La danse", réinterprétant sous forme de performance le chef d'oeuvre du même nom de Matisse. Selon la critique d'art Alejandra Smits, cette danse incarne parfaitement ce motif de l'éternel recommencement, par cette ronde infinie. Les choses ne seraient en effet jamais complètement crées ou détruites, mais elles ne feraient que changer de forme en fonction du temps ou des situations. On observe donc ces cinq femmes, connectées entre elles, se mouvoir continuellement, et partager une énergie dont on ne connait ni le début, ni la fin.
La Danse, Matisse |
La Danse, Carlotta Guerrero |
Par son travail et sa recherche continuelle de la portée symbolique, Carlota Guerrero est à mes yeux l'une des ces rares artistes à explorer avec autant de délicatesse et de sensibilité des questions liées au corps et à sa destinée. Après s'être illustrée dans un certain nombre de projets artistiques et certaines commandes réalisées pour des marques triées sur le volet (Carhartt, Paloma Wool, Dior, Givenchy, Oysho etc.), elle s'est dernièrement mise à réaliser des projets teintés d'un engagement idéologique plus prononcé.
Ainsi, le shooting "x-Playboy" réalisé pour le célèbre magazine érotique fait prendre une toute autre dimension à sa démarche. En choisissant d'honorer cette commission, elle s'engage ainsi à réinventer l'érotisation du corps de la femme, au prisme du "female gaze". Elle donne à voir des corps dont la nudité est norme, exposés publiquement, sans aucune pudeur dans les rues de Barcelone. Pourtant ici, aucun exhibitionnisme. Les photos sont d'une telle douceur, les positions des modèles tellement stylisées, les femmes si fières et nobles dans leur attitude, que cet érotisme inspire plus l'admiration qu'un désir purement animal.
x Playboy Carlotta Guerrero |
x Playboy Carlota Guerrero |
Comment porter des bas blancs, des chaussures de Drag Queen, exhiber fièrement sa nudité et ses tatouages tout en ayant l'air d'une vestale romaine ? C'est ici toute la délicatesse de l'art de Carlota Guerrero, nous invitant à voir le sublime féminin y compris dans un contexte pornographique, n'enlevant rien à la désirabilité du corps. La photographe s'était déjà essayée à ce traitement esthétique de codes érotiques dans sa série "Ecosexuals", représentant le corps humain comme un fruit de la nature, de la terre, issu des minéraux et des matières premières. La nudité et la représentation du sexe est juvénile, sans arrière pensée. Le corps y est exposé pur, dans toute sa force et sa beauté.
Le ton se durcit quelque peu dans sa dernière série, "Celebracion Sexual". Les modèles, parées de sous vêtements et/ou de peinture corporelle d'un rouge criard, défilent fièrement dans les rues de Barcelone (encore !). Cette fois, nous sommes plus sur le motif de la manifestation, de la "horde" revendicatrice, venant exhiber fièrement leur corps de femme. Une projet qui voit le jour peut après l'interdiction quasi totale à l'avortement dans l'Etat de l'Alabama aux Etats-Unis, qui n'est pas sans rappeler ce sang inhérent au destin de la femme. Ce rouge, c'est également toutes les violences que subit continuellement le corps d'une femme, qu'elles soient symboliques ou physiques. Et cette monstration, ce défilé de "guerrières" affichant leur corps avec fierté et détermination, devient alors une réponse. Non les femmes ne plieront pas, elles ne renonceront pas à leur féminité, ni ne laisseront pas non plus leur corps sous contrôle patriarcal. Elles feront faces, ensemble, unies.
Celebracion sexual, Carlota Guerro |
On suit son Instagram @carlota_guerrero et on visite son site internet : http://carlotaguerrero.com/
Sophie
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